Kisangani est perdue au cœur d’une forêt grande comme un pays, au nord-est de la RDC. C’est une ville de terre, car les communes ceinturant le centre ville ressemblent à des villages de brousse ; d’arbres, car ici personne ne songe à les couper ; et d’eau, car on y retrouve le Congo, 2.000 km en amont de Kinshasa. Même aussi loin de son embouchure géante, le fleuve y est très large et le courant puissant. Depuis Kinshasa on n’y parvient que par les avions-poubelle des compagnies congolaises, ou alors en passant par Nairobi.
Archives de l’auteur : Matt
Interruption momentanée
Article 15
Lingala
Deux histoires de cimetière
Blanchard est, des quatre chauffeurs qui travaillent pour mon agence, le plus sémillant et le plus roublard. Il a des gros bras, un torse puissant, une tête toute ronde fendue de petits yeux malins. Il fume dans la voiture, malgré l’interdiction, des cigarettes Tumbacco Filtre qui laissent une vague odeur de caoutchouc brûlé.
NICOLE, MATTHIEU : Quoi ?
BLANCHARD : Oui, un mort, très vieux. Il m’a dit ceci : « Je suis fatigué d’ici. C’est toujours le même paysage. Je m’ennuie, je veux partir. Alors, j’ai décidé de déménager au cimetière de la Gombe ».
NICOLE : Blanchard, tu te moques de nous ?
BLANCHARD : Non, na kati ndayi, je l’ai vu comme je vous vois ! Il traversait la rue avec son cercueil sur la tête et son linceul en bandoulière. Il m’a demandé la route pour aller à la Gombe. Il n’était pas méchant… Et puis, pourquoi je vous mentirais ?
NICOLE : Ecoute, Blanchard, je ne te crois pas. D’ailleurs, tu sais très bien ce qu’on dit chez nous : celui qui a vu un mort qui parle et qui marche ne peut continuer à vivre. Donc si ce que tu disais est vrai, tu ne serais plus là pour nous le raconter.
BLANCHARD (très sérieux) : Ha ! Mais ça ce n’est qu’une superstition !
2.
Hier, je suis allé visiter notre prochaine agence, dans la commune de Kalamu. Le terrain sur lequel elle est construite jouxte l’ancien cimetière du quartier. Or, il y a un an, des promoteurs sud-africains ont acheté ce terrain pour y construire un grand centre commercial. Les sépultures ont été rasées, les arbres coupés. Le projet faisait des gorges chaudes dans le quartier tout entier.
Dieu
Alors, il y a Dieu.
Musique (2ère partie)
Malgré tous mes efforts, je n’ai pu mettre la main ni sur Johnny Clegg, qui zouloute à Soweto en attendant la Coupe du Monde, ni sur Didier Barbelivien, qui glougloute au Puy du Fou en attendant la mort (Si vous ne comprenez pas cette introduction, relisez les commentaires du dernier article).
Musique (1ère partie)
Bonus Mosusu
http://sites.google.com/site/melematakinshasa/file-cabinet/dewplayer.swf
Puisque vendredi on parle musique, voilà de quoi vous échauffer.
Arbres
A Kinshasa, avec ses 28 à 38 degrés permanents et son atmosphère de serre, tout pousse comme du chiendent. Pourtant, le noyau d’avocat que nous avons mis à tremper dans un verre d’eau en attendant qu’il germe nous nargue. L’air renfrogné, il pourrit obstinément sur notre balcon depuis deux semaines. Ce qui prouve au passage que, pour le jardinage, nous avons le même talent qu’un bonobo pour l’abstinence. On préférerait le contraire, mais les choses sont ce qu’elles sont.
Et comme par hasard, le mois dernier, un arbre s’est abattu dans le quartier de Bandalungwa sur un automobiliste qui passait par là. Le pauvre en est mort (l’automobiliste). Vengeance ?
Pour ces arbres qui entendent toute la journée parler le lingala, le même mot désigne la pluie et les années. Le temps et l’eau sont une même chose pour eux, qui s’écoule et les nourrit : mbula. Ils sont, comme l’écrivait l’ami Jules, « Arbres malgré les événements ». On ne saurait le dire mieux.