C’est la terrasse d’un café, avenue de France, neuf heures du matin. Soleil frais, trafic dense, mines sévères, costards anonymes, marcheurs pressés des heures de pointe.
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Les cheminées du Caire
Pour aller d’Addis Abeba à Tunis, il faut prendre deux avions Egyptair, marqués l’un comme l’autre de la tronche stylisée d’Horus. A bord on ne boit pas d’alcool, et avant le décollage une voix profonde prononce la prière des voyageurs (du moins je le suppose ; si quelqu’un peut m’expliquer son contenu en détail, qu’il me fasse signe). Sinon, les plateaux repas ont les mêmes Vache qui Rit, les mêmes petits pains anémiques et la même sauce salade blanchâtre que dans n’importe quel autre avion.
Interlude informatique
Lettre ouverte à Eric Lange
Forcément, quand j’ai appris que j’allais intervenir dans son émission, j’ai sauté de joie : ça voulait dire que j’étais passé de l’autre côté du poste !
Seulement voilà : les quelques minutes que j’ai passées dans l’émission ont été un peu décevantes. Eric m’a abordé sur des questions idéologiques, pas inintéressantes mais parfaitement impossibles à traiter en cinq minutes.
Comme ça m’a un peu frustré, je prends ici le temps que je n’ai pas eu à l’antenne]
Out of Kinshasa
Le temps est plus long dans ces promenades que dans les virées en voiture, où l’on vrombit d’un animal à un autre dans le cliquetis des appareils photos. On marche un peu et l’on s’arrête beaucoup. On écoute, on touche, on goûte. Le guide lit pour nous dans les signes de la nature comme un interprète le ferait d’un texte hébreu. Les mains derrière le dos, on admire en silence un crâne de pachyderme, une plante bizarroïde, un insecte inquiétant, une trace de lion, des cacas d’animaux variés. Ça vous paraît un peu décevant ? Vu comme ça peut-être… Mais mal réveillés dans ce petit matin frileux, au milieu d’une savane toute plate aux arbres tordus, lumineuse, rose et jaune pâle, il n’y avait plus qu’une chose de vraie : on ne trouve pas de limite à la beauté du monde.
A l’Île aux Moines
Tout tient dans ce nom breton, Morbihan, Petite Mer. C’est une grande piscine qui se vide et se remplit, chaque jour deux fois, inlassablement : une baignoire d’horloger. Des îles y surnagent qui tiennent dans le creux de ma main. Ce ne sont pas les chapelets innombrables de l’Indonésie, ni les îlots bagués de sable blanc du Pacifique. Ce sont des langues de terre, de gros sable et de goémon posées sur l’eau, coiffées d’un bouquet de pins et, par endroits, d’un dolmen qui leur fait comme une grande dent solitaire dressée vers le ciel changeant. Elles sont modestes et saisissables. Elles sont belles comme une belle fille qui ne s’est pas maquillée.
Au-dessus d’elles s’étend le ciel le moins ennuyeux du monde. Il change tout le temps. Rarement tout à fait bleu ou tout à fait gris, il construit au gré des vents des mosaïques de nuages et de soleil frais, variant à l’infini les éclairages et les ambiances. La mer lui répond. Elle s’accorde aux nues comme les chaussures d’un sapeur congolais à son chapeau. Grise un instant, vert toxique le suivant, bleu sombre sous la pluie, rouge dans l’éclat du couchant.
La beauté du Golfe est d’une nature différente de celle, titanesque et effrayante, des orages équatoriaux. C’est une beauté qui se laisse appréhender avec le temps, sans tapage ni ostentation, et qui ne donne sa pleine mesure que si l’on prend le soin d’y prêter attention. Elle est si subtile qu’elle fait le désespoir des peintres.
Dans ce pays de sable, de genêts et d’eau salée on se promène avec bonheur. On navigue avec prudence, à cause des bancs de sable et des courants puissants. On ne se baigne qu’avec un certain courage, même au mois d’août. Et on ne repart qu’à reculons.
Justement, demain, je rentre. Je me jette à nouveau dans la gueule brûlante de la grande ogresse qu’est Kinshasa. Si elle essaye de me croquer, elle aura du sable entre les dents.
Bonus Mosusu
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Puisque vendredi on parle musique, voilà de quoi vous échauffer.
Avant de commencer…
Mbote na bino les aminches,
Avant de poster mon premier message, qui est en retard comme toutes choses ici à part la saison des pluies, je vous dois quelques explications :
- Il n’y aura pas, ou très peu, de photos. Un décret interdit en effet de photographier quoi que ce soit dans Kinshasa, et avec mon appareil photo gros comme un néléphant il m’est difficile d’être discret. Je vais faire ce que je peux avec mon téléphone portable, tâcher de décrire le reste avec des mots, et pour le reste vous n’aurez qu’à venir, na.
- Le titre du blog est un vieux proverbe lingala qui signifie « Dieu ne dort pas », ce qui équivaut à peu près à notre « La roue tourne » ou encore «On est dans une merde noire mais on a même pas mal». Je l’aime beaucoup parce qu’il est joliment formulé et parce qu’il va bien à ce pays. J’espère qu’on verra pourquoi dans ces pages.
Les commentaires vous sont ouverts. Si vous voulez en savoir plus sur un sujet ou un autre, crier votre joie ou expectorer vos griefs, dire coucou, faire partager à chacun vos mots zailés, c’est là que ça se passe.
Bonne lecture !