Décembre, le soleil s’attarde et les grenades saignent. On démonte une par une les terrasses de mes bars préférés. Chassé de l’une à l’autre, j’ai l’impression d’être dans ces jeux de plates-formes où le sol s’émiette sous les pieds du héros et le force à la fuite. Je vais bientôt devoir me réfugier à l’intérieur, où je ne sais que trop ce qui m’attend : d’omniprésentes télévisions, de la soupe internationale ou bien – quand le patron est mélomane – des CD de reprises des Beatles à la flûte de pan. Parfois même Joe Dassin, qui est ici un éminent représentant du chic français. Ne riez pas : les voies du chic sont impénétrables. N’importe quel sapeur vous le dira.
Je viens de boucler l’histoire sur laquelle je travaillais depuis deux ans. Je n’en ai pas fini avec elle pour autant. Il y a encore tant de travail pour la rendre présentable… Il faut dégrossir ici, épaissir là, partout trier, dégraisser, élaguer, raboter, affûter, tâcher que ce soit souple, que ce soit tranchant, qu’on voie bien les reliefs. Et plusieurs fois par jour, douter avec fureur. Si c’était mauvais, tout ça ? Pas intéressant ? Trop peu vraisemblable ? Trop ambitieux ? Pas assez ambitieux ? Paresseusement écrit ? Trop écrit ? Ecrit avec les pieds ?
Et si c’était pour rien ? Le gouffre n’est jamais très loin.
Mes chères street-tricoteuses, qui ont refait leur apparition sur les trottoirs de la capitale il y a quelques semaines, ne se posent pas toutes ces questions. Je me demande où elles étaient passées pendant l’été. Elles hibernaient dans quelque cave, sans doute. L’odeur des châtaignes rôties les aura réveillées. Elles sont sorties dans la lumière jaune et déjà rasante d’une belle après-midi, et plissant les paupières ont regardé à la ronde. Au coin de la rue, affleurant comme un petit îlot de plastique bleu ciel dans une mer de feuilles mortes, leur tabouret les attendait.
Elles sont encore un peu rouillées de leur long sommeil. Que la neige revienne coiffer le sommet du Mont Dajti et, par une osmose bio-climatique qui leur est propre, elles retrouveront leur sérénité, leurs gestes rapides et sûrs, leurs regards scrutateurs jamais posés sur leur ouvrage.
Comme je leur envie cette facilité. Si j’écrivais comme elles tricotent, je me ferais moins de souci.
Et pendant ce temps, à Marseille, ça trépigne-pigne-pigne…
Une débroussaillo-tondeuse pour t’aider ? On trouve de tout chez Kiloutou.
Bonjour,
je voudrais pré-commander la dite oeuvre sur Amazon, mais je ne trouve pas le lien.
merci de m’indiquer la marche à suivre
street-tricotement votre,
FTILLATE
Et pourquoi pas essayer quelques points sur un tabouret bleu pour te détendre ; ça vaut bien une séance de yoga. On est avec toi.
T’ecris suffisamment bien pour moi, va…