Zao, malgré son nom de maître Zen japonais, est un chanteur brazzavillois, de son vrai nom Casimir Zoba.
Ancien instituteur reconverti dans la chanson, il écrit depuis 30 ans des textes à l’humour fantaisiste, au fond parfois grave mais à la forme toujours souriante, qui contrastent fortement avec les déclarations d’amour à l’eau de rose des stars kinoises.Une des marques de fabrique de Zao, c’est qu’il déguise ses textes. Le tragique s’y cache derrière le burlesque, la satire politique au détour d’un conte innocent. On passe son temps à se demander ce que dissimulent ses pitreries. Une des chansons qui l’ont fait connaître, au milieu des années 80, le montre bien. Elle s’appelle Ancien Combattant :
(on peut voir la chanson jouée en live à Paris là)
Elle continue de me surprendre, cette chanson.
C’est un tirailleur sénégalais qu’on entend tout d’abord s’exprimer, dans un sabir volubile mêlé de termes militaires et de français tordu. Puis, après une bonne minute, le clairon s’éteint et le morceau change de direction. La caricature du tirailleur laisse la place à une guitare tournante, une batterie, des flûtes légères et répétitives. Et la voix ronde de Zao se met à énumérer les cadavres. Elle tue à tour de bras, cette voix ; elle énumère les morts les uns après les autres dans une succession de plus en plus désordonnée d’images ; elle jette pêle-mêle à la fosse commune le peuple, les rois et les ministres, les footballeurs et la télé, le chat, les poules et jusqu’à lui-même.
On n’a pas l’habitude de ces répétitions, de ces accumulations, de cette simplicité presque candide. Il n’y a ni rimes, ni métrique, ni figures de style. Seulement ce rythme qui trucide tous les quatre temps une nouvelle personne, un nouvel animal, un nouvel objet. C’est juste et puissant. Quoi de plus monstrueux que cette machine monotone qui transforme les choses vivantes en cadavres absurdes ?
Il se posa peut-être à nouveau cette question, Zao, lorsque quelques années plus tard il dut se réfugier dans les forêts du Sud avec sa famille pour échapper à la guerre civile qui déchirait le Congo. Il y perdit un fils.
Aujourd’hui, on dit qu’il prépare un nouvel album dont le morceau principal sera une remise au goût du jour d’Ancien Combattant. Il l’aurait baptisée Nouveau Combattant. Ça a l’air simple… mais avec lui on ne sait jamais.
Et vous noterez sur la photo que, même chez les disquaires de Brazza, le grand Zao sait s'entourer.
Tout est dit !
Seul demeurera, sans doute, la frustration de ne pas l'avoir entendu pousser quelques cris dans sa vallée perdue au fond du Pool… A suivre, on ne sait jamais.
++
J-8 hihihi
C'est marrant, je connaissais Zao sans savoir, ni chercher à savoir qu'il était congolais. Sympa effectivement ! J'avais ça sur mon disque dur, écouté de temps en temps et apprécié également…