Il est debout au milieu de la cour d’immeuble, grand, maigre et élégant dans son costume noir. Il considère, de derrière ses petites lunettes rondes, l’assistance endimanchée qui l’entoure, assise sur des chaises en plastique bleu et jaune (dont certaines nous bénissent). Il se tient un peu voûté. Il dégage l’assurance du vrai patriarche. Ce soir, papa Augustin marie sa fille Jolie.
Nous considérons la scène depuis un coin de la cour en quêtant des informations sur ce mariage coutumier, auquel nous avons été invités au dernier moment par une amie. Qu’est-ce qu’il se passe ? Rien, on attend la famille du marié qui doit arriver d’un instant à l’autre. Qui est le marié ? Il vient d’une famille du Kasaï. Ah ? Mais ce n’est pas grave que la mariée soit une Mongo de l’Equateur ? Non, le papa est tolérant. Et où vont-ils s’installer alors ? Chez le mari, qui est en Afrique du Sud depuis quelques années. Mais alors, cela lui fait un long voyage pour venir jusqu’ici ? Non, il ne sera pas là ce soir : il se fait représenter.
Ah bon.
Alors, on attend.
La famille du marié tarde à arriver. Quelques fausses alertes précipitent les femmes dans un désordre hurlant vers le portail de la cour. Une poignée de mamans passe le temps en dansant, hilares, sur le ndombolo que crachote une vieille enceinte perchée sur une plateforme. On boit une bière. Une chouette blanche survole la cour, emportant avec elle un rat qui n’a pas eu de chance. Le temps est aussi élastique qu’une mauvaise chikwange.
Et puis, soudain, ils arrivent. Un flot de youyous déchire l’ambiance paisible de la scène. Un groupe compact se jette vers l’entrée. On étale des pagnes sur le sol en guise de tapis rouge et forme – on ne sait comment – une haie d’honneur bariolée sur le passage des nouveaux arrivants. C’est une folie d’enthousiasme et de mouvement. Les hommes marchent à l’avant du cortège en portant de temps en temps la main à leur poche ; ils en sortent des billets de banque qu’ils jettent en l’air avec une mimique amusée et conquérante ; la moitié de la haie d’honneur est à quatre pattes par terre pour les ramasser. L’ambiance frise l’hystérie. Les cris, les rires couvrent la musique pourtant puissante. On n’y voit pas grand-chose et on n’y comprend rien.
Une minute plus tard à peine, on installe les hôtes sur un fauteuil déposé dans la cour. On leur apporte une table en plexiglas transparent ornée de fleurs, d’un goût tout congolais. L’excitation générale – était-elle jouée ? – se dissout d’un coup dans l’air chaud du soir. On se rassoit. Petit flottement.
On n’a toujours pas vu la mariée.
C’est là que tout commence.
Le récit intégral était trop long alors j'en ai fait un mini-feuilleton. La note ci-dessus en est l'introduction. La suite est prête mais je vous laisse mariner un peu dans ce suspense insoutenable.
Et désolé pour la qualité très moyenne des images. Il n'y avait pas beaucoup de lumière ce soir-là et les convives mettaient beaucoup de mauvaise volonté à se tenir immobiles…
Bonne lecture !
Très bien le feuilleton. Un bon moyen de gagner plus de pognon, disait Balzac en aparté, lui qui n'avait pas envie de pieuter éternellement dans une mansarde.
By the way, comme disait Walter Scott qui se foutait éperduement des balzaciennes mansardes, by the way, dimanche matin, le temps – celui qui passe – va rencontrer une valeur remarquable, très remarquable, puisque 10/10/10 – 10:10:10
Hé-Hé – ça vous la coupe, hein ?
Et cette journée ô combien remarquable, couronnera un héros du quotidien, un grand homme en marche… pensez-y en trempant vos tartines.
J'ajoute à l'intention des amateurs de Primus que ce mois d'octobre comptera rien moins que 5 vendredi, 5 samedi et 5 dimanche, ce qui crée des conditions extrêmement favorables à l'absorption dudit substrat.
et alors…et alors…Zorro est arrivé…
C'est insoutenable je ne sais pas si vais pouvoir attendre…Pour patienter je vais me faire un petit coup d'indépendance cha cha.
A Dimanche.
Ça s'exporte bien à Avignon, le ndombolo ?
Houla, Marie, tu lâches des infos de haute confidentialité.