Voilà déjà un mois que la pluie a déserté Addis Abeba. Elle a laissé la place aux soleils frais du petit matin, à la lumière violente du plein midi, aux étoiles brillantes du soir, à la poussière toute jeune encore, et au vent.
Il s’obstine, le vent, infatigable et constant. Il penche les arbres, il leur souffle dans les branches, il porte d’innombrables oiseaux qui planent immobiles en attendant on ne sait quoi. Il soulève les tôles des toits dans de grands claquements métalliques, soupire avec force dans les barbelés des maisons des riches, pleure dans les ruelles pavées des quartiers populaires et fait flotter comme des ailes blanches les gabis des éthiopiennes. Il sent l’eucalyptus des hauts plateaux. Il donne envie de savoir voler.
Heureux que nous sommes, nous le pouvons. Nous traversons donc très haut la lumière chaude de la fin de journée, au-dessus de champs bosselés et innombrables en mosaïques vertes, jusqu’à la vieille ville de Bahir Dar. Paisible dans sa vie de la basse saison touristique, elle a les pieds dans l’immense lac Tana et la tête au Paradis. On y trouve des monastères peuplés de barbes solennelles, des ficus si grands qu’ils semblent saints, des parchemins du treizième siècle qui paraissent dater de la semaine dernière, des gamins à flûte, des vieillards à canne, et quelques pélicans. On y sirote une bière en contemplant, en compagnie d’éthiopiens nombreux alignés sur la berge irrégulière, les eaux brunes où s’impatiente le Nil Bleu en devenir.
Les croix orthodoxes découpent dans le ciel des promesses centenaires. Les mendiants quêtent à la sortie de l’église sous de rouges flamboyants en fleur. Quelques blancs passent aux cris des chauffeurs de rickshaw.
Les siècles, quoique présents, sont de peu d’importance.
Et pour cette fois, miraculeusement, le reste suit.
Comme je l’attendais cette nouvelle chronique ! Et elle est à la hauteur de mes espérances. Encore merci de nous régaler.
??? Et pour cette fois, miraculeusement, le reste suit ???
Le reste, Mimine, aussi, n’a que peu d’importance.
ça coule et ça glisse comme des larmes aux yeux de bonheur fatigué